- déconcerter
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1 ♦ Littér. Empêcher la réalisation de (un projet). ⇒ déjouer. « un train à déconcerter toute espèce de poursuite » (Balzac).2 ♦ Cour. Faire perdre contenance à (qqn); jeter dans l'incertitude de ce qu'il faut faire, dire ou penser. ⇒ confondre, décontenancer, démonter, dérouter, désarçonner, désorienter, déstabiliser, embarrasser, interdire, surprendre, troubler. Il se laisse déconcerter facilement. « Cet homme timide, qu'un mot badin déconcertait, qu'un regard de femme faisait rougir » (Rousseau).⊗ CONTR. Encourager, rassurer.Synonymes :- décontenancer- démonter- démoraliser- dérouter- désarçonner- désorienterdéconcerterv. tr. Troubler, dérouter, faire perdre contenance à (qqn). Un rien suffit pour le déconcerter. Ce raisonnement m'avait déconcerté.⇒DÉCONCERTER, verbe trans.A.— MUS., vx. ,,Troubler un concert de voix ou d'instruments`` (Ac. 1835, 1878). ,,Il ne faut qu'une voix discordante pour déconcerter toutes les autres. Un musicien qui bat mal la mesure, déconcerte tout l'orchestre, toute la symphonie`` (Ac. 1835, 1878).B.— [Avec l'idée de dérangement, de dérèglement]1. Littér. Déranger, troubler l'accord entre les différentes parties, les différents mouvements d'un organisme; dérégler. Vous n'avez qu'à reparaître pour déconcerter les pulsations de mon cœur (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1837, p. 279). Vainement (...) décompose-t-on l'organisme spirituel, afin de déconcerter tous les rouages élémentaires de la vie (BLONDEL, Action, 1893, p. 21).2. Spéc. Déranger des projets, empêcher leur réalisation, et p. ext. déranger des personnes dans la réalisation de leurs projets. Les représentans du peuple avoient entre leurs mains des moyens aussi puissans que salutaires pour déconcerter leurs complots (ROBESP., Discours, Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 104). Fâcheuse résolution (...) qui (...) suffit pour déconcerter les plans d'attaque et de défense le plus savamment combinés (COURIER Pamphlets pol., Lettres au rédacteur du « Censeur », 1819-20, p. 46). Pas plus à Berlin qu'à Paris, l'esprit militaire n'avait prévu les conséquences de cette inflation. (...) L'événement les [les généraux] déconcerta (BLOCH. Dest. S., 1931, p. 184).C.— P. ext., cour. Surprendre quelqu'un, lui faire perdre l'assurance de son jugement ou de la conduite à tenir. Cette brusque apparition déconcerta Fernand et lui fit éprouver une crainte vague (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 343). Une maladie nerveuse (...) minait sourdement la frêle enfant (...). Elle déconcerta les médecins et aucun remède n'y put prendre (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 59). Les novateurs ont quelquefois déconcerté par leurs audaces (HOURTICQ, Hist. Art, Fr., 1914, p. 448).♦ Emploi pronom. Castanier entra. Sans se déconcerter, Aquilina roula le billet, le prit dans ses pincettes et le brûla (BALZAC, Melmoth, 1835, p. 339).— Au fig. Tant (...) de longues agonies dont l'inutile cruauté déconcerte la raison (MARCEL, Journal, 1920, p. 231).♦ Emploi pronom. passif. La fatuité de Grantaire ne se déconcertait pas (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 783).Prononc. et Orth. :[
], (je) déconcerte [
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin XVIe s. deconcerter « troubler les plans de quelqu'un » (PH. LE PICARD, La Nouvelle fabrique, Additions, Bibl. elzév., p. 179 : Il faut peu pour deconcerter Ce que l'homme peut projetter); 2. 1671 « faire perdre contenance à quelqu'un » (Pomey d'apr. FEW t. 2, p. 999 a); 1835 adj. déconcertant (MICHELET, Journal, p. 170). Dér. de concerter; préf. dé-. Fréq. abs. littér. :484. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 408, b) 484; XXe s. : a) 784, b) 978.
DÉR. Déconcertement, subst. masc. Fait d'être déconcerté. Ahurissement de Mme Sichel, qui ne comprend pas, et déconcertement un peu honteux du préfet de police (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1883, p. 252). — 1re attest. 1740-55 (SAINT-SIMON, Mémoires, éd. A. de Boilisle, t. XVIII, p. 349 d'apr. ADAM, p. 24); de déconcerter, suff. -ment1. — Fréq. abs. littér. : 3.BBG. — GOHIN 1903, p. 239 (s.v. déconcertement). — QUEM. 2e s. t. 1 1970; Fichier (s.v. déconcertement).déconcerter [dekɔ̃sɛʀte] v. tr.ÉTYM. Fin XVe; de 1. dé-, et concerter.❖1 Vx. Troubler en dérangeant l'accord, le concert des parties.1 Tu dis, et ta voix déconcerteL'ordre éternel des éléments.Racine, Poésies diverses, 21.2 Il montrait (…) combien la transpiration, facilitée ou diminuée, déconcerte ou rétablit toute la machine du corps.Fénelon, Télémaque, XIII.2 Littér. Empêcher la réalisation de (un projet). || Déconcerter les projets, les plans, les ruses de qqn. ⇒ Déjouer.3 Ainsi tout déconcerte nos projets, tout trompe notre attente, tout trahit des feux que le ciel eût dû couronner !Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, Lettre LIII.4 Carlos baissa les stores (de la voiture) et fut mené d'un train à déconcerter toute espèce de poursuite.Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 810.REM. Dans les exemples récents, cet emploi peut être senti comme une métaphore du sens courant 3.4.1 Patrick a une petite fiancée peu attirante : je n'ai fait l'amour avec elle que pour brouiller les cartes et déconcerter la fatalité.Jacques Laurent, les Bêtises, p. 565.♦ Fig. ⇒ Déranger, troubler.5 Je vous aimais d'une affection dont aucune espérance de plaisir charnel ne venait déconcerter la sagacité sensible.Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 34.♦ Empêcher (qqn) de réaliser des projets. || Ce contretemps l'a déconcerté dans ses tentatives.3 (1671; un emploi du XVe s. est ambigu). Cour. Faire perdre contenance à (qqn); jeter (qqn) dans l'incertitude de ce qu'il faut faire, dire ou penser. ⇒ Confondre, déconfire, décontenancer, déferrer, démonter, démoraliser, dépayser, dérouter, désarçonner, désorienter, embarrasser, embrouiller, inquiéter, interdire, intimider, surprendre, troubler (→ Assommer, cit. 18.3). || Ses caprices me déconcertent et me désespèrent. || Les railleries de son interlocuteur le déconcertèrent. || Cette nouvelle l'a déconcerté. ⇒ Asseoir (fam.). || Il se laisse déconcerter facilement. — Pron. || Il se déconcerta, perdit contenance, rougit… (cf. Vider les étriers).6 (…) cette gêne extrême et l'inaptitude que je me sens me trouble, me déconcerte; et je serais bien plus à mon aise devant un monarque d'Asie que devant un bambin qu'il faut faire babiller.Rousseau, Rêveries…, 9e promenade.7 Je n'étais plus cet homme timide, et plutôt honteux que modeste, qui n'osait ni se présenter ni parler; qu'un mot badin déconcertait, qu'un regard de femme faisait rougir.Rousseau, les Confessions, IX.8 On est brave en présence de tout, et l'on se déconcerte en présence de la justice. Pourquoi ? c'est que la justice de l'homme n'est que crépusculaire, et que le juge s'y meut à tâtons.Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, VII.9 Moreau continuait à être dans l'ignorance la plus grande; l'attaque qui se produisait à sa gauche le déconcerta (…)Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Le Consulat, IV, p. 54.——————déconcertant, ante p. prés. et adj.1 Vx ou didact. Qui dérange un accord.9.1 Il s'agit de savoir, aujourd'hui qu'on les porte sur le théâtre (…) il s'agit de savoir si nous reconnaîtrons leurs voix déconcertantes à travers les intonations concertées des acteurs.Gide, Dostoïevski, p. 52.2 (1835). Qui déconcerte (3.). ⇒ Déroutant, embarrassant, inquiétant, surprenant. || Attitude déconcertante. ⇒ Bizarre, étonnant, imprévu, inattendu, troublant. || Nouvelles contradictoires et déconcertantes.10 (…) de subites volte-face, de déconcertantes surprises.Paul Bourget, Un divorce, III, p. 104.11 On y retrouve Mirabeau tout entier, avec sa complexité déconcertante et presque indéfinissable, menaçant et tendre, autoritaire et ironique, brusque et câlin.Louis Barthou, Mirabeau, p. 42.——————déconcerté, ée p. p. adj.1 Vx. Dont l'accord, le concert est troublé (au propre et au fig.).12 Le concert étant ainsi déconcerté, l'hôte fit ouvrir la porte.Scarron, le Roman comique, XV.2 Mod. ⇒ Confus, dépaysé, désorienté, interdit, pantois, penaud, surpris, troublé. || Il avait l'air tout déconcerté; il était tout déconcerté.13 Déconcerté par le sourire complice et le clignement d'œil qu'Antoine lui décochait, il hésita une seconde.Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 33.❖CONTR. Encourager, enhardir, raffermir, rassurer. — (Du p. prés.) Encourageant, rassurant. — (Du p. p. adj.) Hardi, sûr (de soi)…DÉR. (Du p. p. adj.) Déconcertement.
Encyclopédie Universelle. 2012.